Page:Aulnoy - Les contes choisis, 1847.djvu/47

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Á son arrivée les vitres commencèrent à faire un cliquetis et un trémoussement extraordinaire ; il regarda où les rayons du soleil donnaient ; il vit que c’était sur le portrait d’un jeune adolescent, si beau et d’un si grand air, qu’il en demeura charmé. En levant ce tableau, il trouva un lambris d’ébène avec des filets d’or, il le lève, et il se trouve dans un vestibule tout de porphyre, ornée de statues ; il monte un large degré d’agate, dont la rampe était d’or ; il entre dans un salon tout de lapis, et traversant des appartements sans nombre, où il restait ravi de l’excellence des peintures et de la richesse des meubles, il arriva enfin dans une petite chambre, dont tous les ornements étaient de turquoise, et il vit sur un lit de gaze bleue et or, une dame qui semblait dormir. Elle était d’une beauté incomparable ; ses cheveux, plus noirs que l’ébène, relevaient la blancheur de son teint ; elle paraissait inquiète dans son sommeil ; son visage avait quelque chose d’abattu et d’une personne malade.

Le prince craignant de la réveiller, s’approcha doucement ; il entendit qu’elle parlait, et prêtant une grande attention à ses paroles, il entendit ce peu de mots, entrecoupés de soupirs : Penses-tu, perfide, que je puisse t’aimer, après m’avoir éloignée de mon aimable Trasimène ? Quoi ? à mes yeux tu as osé séparer une main si chère, d’un bras qui doit t’être toujours redoutable ? Est-ce ainsi que tu prétends me prouver ton respect et ton amour ? Ah ! Trasimène, mon cher amant, ne dois-je plus vous voir ?

Il restait au pied de son lit comme immobile, ne sachant s’il devait l’éveiller ou la laisser plus longtemps dans un sommeil si triste ; il comprenait déjà que Trasimène était son amant, et qu’il en avait trouvé la main dans le donjon ; il roulait mille pensées confuses sur tant de diffé-