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LE RAMEAU D’OR

vite qu’une tortue ; et pour monter, c’était ses femmes qui la portaient.

Cependant elle en trouva un moyen assez particulier. Elle sut que l’horloge était dans le donjon ; elle ôta les poids, et se mit à la place. Lorsqu’on monta l’horloge, elle fut guindée jusqu’en haut ; elle regarda promptement à la fenêtre qui donnait sur la campagne, mais elle ne vit rien venir, et elle s’en retira pour se reposer un peu. En s’appuyant contre le mur que Torticoli, ou pour mieux dire le prince Sans-Pair, avait défait et raccommodé assez mal, le plâtre tomba et le tire-bourre d’or près de Trognon. Elle examina à quoi il pouvait servir. Comme elle avait plus d’esprit qu’un autre, elle jugea bien vite que c’était pour ouvrir l’armoire, où il n’y avait point de serrure ; elle en vint à bout, et elle ne fut pas moins ravie que le prince l’avait été, de tout ce qu’elle y rencontra de rare et de galant. Il y avait quatre mille tiroirs, tous remplis de bijoux antiques et modernes ; enfin elle trouve le guichet d’or, la boîte d’escarboucle, et la main qui nageait dans le sang. Elle en frémit, et voulut la jeter ; mais il ne fut pas en son pouvoir de la laisser aller, une puissance secrète l’en empêchait. — Hélas ! que vais-je faire ? dit-elle tristement. J’aime mieux mourir que de rester davantage avec cette main coupée. Dans ce moment elle entendit une voix douce et agréable, qui lui dit : Prends courage, princesse, ta félicité dépend de cette aventure. — Hé ! que puis-je faire ? répondit-elle en tremblant. — Il faut, lui dit la voix, emporter cette main dans ta chambre, la cacher sous ton chevet ; et quand tu verras un aigle, la lui donner sans tarder un moment.

Quelque effrayée que fût la princesse, cette voix avait