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LA BONNE PETITE SOURIS.

La reine l’entendant se mit à pleurer sans rien répondre ; et la vieille, après avoir un peu attendu, lui demanda pourquoi elle pleurait. C’est, dit-elle, qu’il ne vient dans ma chambre qu’une seule souris, qui est si jolie, si joliette, que je ne puis me résoudre à la tuer. — Comment ! dit la vieille en colère, vous aimez donc mieux une friponne de petite souris, qui ronge tout, que l’enfant que vous allez avoir ? Hé bien, madame, vous n’êtes pas à plaindre, restez en si bonne compagnie, j’aurai bien des souris sans vous, je ne m’en soucie guère. Elle s’en alla grondant et marmottant.

Quoique la reine eût un bon repas, et que la souris vînt danser devant elle, jamais elle ne leva les yeux de terre, où elle les avait attachés, et les larmes coulaient le long de ses joues.

Elle eut cette même nuit une princesse, qui était un miracle de beauté ; au lieu de crier comme les autres enfants, elle riait à sa bonne maman, et lui tendait ses petites menottes, comme si elle eût été bien raisonnable. La reine la caressait et la baisait de tout son cœur, songeant tristement : Pauvre mignonne, chère enfant ! si tu tombes entres les mains du méchant roi, c’est fait de ta vie. Elle l’enferma dans la corbeille, avec un billet attaché sur son maillot, où était écrit : Cette infortunée petite fille a nom Joliette. Et quand elle l’avait laissée un moment sans la regarder, elle ouvrait encore la corbeille, et la trouvait embellie ; puis elle la baisait et pleurait plus fort, ne sachant que faire.

Mais voici la petite souris qui vient, et qui se met dans la corbeille