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LES NUITS ATTIQUES, LIVRE II


on s'étonnait que, pour désigner tant de nuances si variées, la langue latine ne pût fournir qu'un petit nombre de termes assez vagues. « Il est vrai, dit Favorinus, que la vue saisit beaucoup plus de nuances que la langue n'en peut désigner ; car, sans parler des autres couleurs, combien y a-t-il de nuances dans le rouge et dans le vert qui cependant ne changent pas de nom ? Celte disette de mots se fait sentir bien plus encore dans la langue latine que dans la langue grecque : ainsi nous employons rufus pour désigner la couleur rouge ; mais cette, teinte varie dans le feu, dans le sang, dans la pourpre, dans le safran ; pour exprimer ces variétés, la langue latine n'a pas de mots propres et particuliers ; elle les désigne toutes par une seule expression, rubor, rougeur, couleur rouge, ou si elle les indique, c'est par des mots tirés de l'objet même coloré. Ainsi on dit igneus, flammeus, sanguineus, croceus, couleur de feu, de flamme, de sang, de safran. Russus et ruber ne diffèrent en rien de rufus, et cependant ils ne s'appliquent point aux variétés du rouge ; les Grecs, au contraire, ont les mots ξανθός, ἐρυθρός, πυρρός, φοῖνιξ, qui semblent désigner les diverses nuances du rouge, foncées ou claires, et celles qui résultent du mélange de plusieurs teintes. »