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AULU-GELLE


par les écrivains qui se sont chargés du soin de faire passer à la postérité la vie et les actions des grands hommes : « Dans ma longue carrière, il n’est aucune parole, aucune action dont j’aie à me repentir ; peut-être me rendrez-vous ce témoignage. Dans ce moment suprême, je ne cherche pas à me tromper ; non je n’ai commis aucune action dont le souvenir puisse attrister ma dernière heure, à l’exception d’une seule, dont la nature est telle que je ne sais encore si elle est innocente ou coupable.

« Je devais, moi troisième, être juge dans une affaire où il s’agissait de la tête d’un ami. La loi était formelle, l’accusé devait être condamné. Il fallait donc ou perdre un ami ou violer la loi. Après avoir médité longuement sur les moyens de sortir d’une position aussi délicate, je ne trouvai pas de parti meilleur à suivre que celui auquel je m’arrêtai. Tout bas je portai une sentence de mort, et j’engageai mes collègues à faire grâce au coupable. Ainsi je conciliai les devoirs du juge avec ceux de l’ami. Mais aujourd’hui cette conduite me donne quelque inquiétude ; je crains qu’il ne soit ni légal ni juste, dans la même affaire et dans le même moment, sur la même question, d’avoir conseillé aux autres tout le contraire de ce que je croyais devoir faire. »