Page:Aulu-Gelle - Œuvres complètes, éd. Charpentier et Blanchet, 1919, I.djvu/281

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s’y était formé ; bientôt revenant un peu de ma frayeur, j’épongeai soigneusement la plaie et en enlevai le sang. Le lion, que j’avais soulagé et délivré de ses souffrances, se couche et s’endort paisiblement, sa patte dans mes mains. À partir de ce jour, nous vécûmes ensemble dans cet antre pendant trois ans, et nous partagions les mêmes aliments : le lion me portait, dans notre retraite, les meilleurs morceaux des bêtes qu’il prenait à la chasse ; comme je n’avais pas de feu, je les faisais cuire aux rayons du soleil, à l’heure de midi. Cependant, commençant à m’ennuyer de la vie sauvage que je menais, un jour je profitai du moment où ce lion était à la chasse pour quitter l’antre ; après trois jours de marche, je fus reconnu par des soldats qui me saisirent. Ramené d’Afrique à Rome, je parus devant mon maître, qui sur-le-champ prononça mon arrêt de mort et me condamna à être livré aux bêtes. Je pense, ajoute Androclès, que ce lion a été pris aussi depuis notre séparation ; il me témoigne aujourd’hui sa reconnaissance de ce que je l’ai soigné et guéri. » Tel est le récit qu’Apion met dans la bouche d’Androclès. Aussitôt on écrit cette aventure sur une tablette que l’on fait circuler parmi les spectateurs. Cédant à la demande de la multitude, César fait grâce à l’esclave, et, en outre, le peuple veut qu’on lui fasse présent du lion. « Ensuite, dit Apion, nous vîmes Andro-