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LES NUITS ATTIQUES, LIVRE I


m’apprend pas ce qui peut constituer l’infamie et jusqu’où je puis m’écarter du devoir ? « Oui, dit Cicéron, jusqu’à un certain point, l’amitié peut être une excuse légitime. » Mais quelle est cette limite que l’on ne peut franchir sans se rendre coupable ? voilà ce qu’il faudrait nous apprendre, et voilà justement ce qui ne nous est point enseigné par les philosophes. Le sage Chilon, que je viens de citer, pour sauver un ami, s’écarta de la bonne voie ; mais au moins je vois où il s’est arrêté ; pour soustraire son ami à la mort, il donna un conseil que condamne la morale ; et encore, à ses derniers moments, il ne savait si sa conduite était louable ou criminelle. « On ne peut, dit encore Cicéron, dans l’intérêt d’un ami, prendre les armes contre sa patrie. » Ce que tout le monde sait fort bien, même avant la naissance de Théognis, comme dit Lucilius. Mais voici un autre point sur lequel je voudrais être éclairé : lorsque, dans l’intérêt d’un ami, je puis agir contre la justice sans toutefois porter atteinte à la paix, à la liberté de mon pays ; lorsque je dois, comme le dit Cicéron, m’écarter de la bonne voie, en quoi, comment, et dans quelle circonstance le pourrai-je ? Où devrai-je m’arrêter ? Périclès, cet illustre Athénien, ce génie supérieur, a, d’un seul trait, exprimé sa pensée plus clairement que personne. Un ami lui de-