Page:Aulu-Gelle - Œuvres complètes, éd. Charpentier et Blanchet, 1919, I.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
52
AULU-GELLE


Cependant, combien d’hommes ne voit-on point qui répandent un déluge de mots dénués de sens, et avec une sécurité et une aisance telles, qu’ils semblent le plus souvent ignorer eux-mêmes qu’ils parlent ? Homère dit que les paroles d’Ulysse, ce héros si sage et si éloquent, sortaient de sa poitrine, au lieu de dire qu’elles sortaient de sa bouche : paroles qu’il faut moins rapporter au son de la voix et à l’accent d’Ulysse qu’à la profondeur de ses pensées. Le même poète a dit, avec beaucoup de raison, que les dents sont un rempart opposé à l’impétuosité de la langue ; qu’ainsi, l’irréflexion des paroles peut être non seulement arrêtée par l’attention et la vigilance de l’esprit, mais réprimée par la garde placée, pour ainsi dire, dans la bouche.

Voici les paroles d’Homère :


Mais lorsque sa voix retentissante sortait de sa poitrine.

et :

O ma fille, quelle parole s’est échappée du rempart de tes dents ?


Je crois bon de citer aussi un passage de M. Tullius, où cet orateur blâme avec autant de sévérité que de raison cette abon-