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AU SPITZBERG.

En 1540, la cathédrale était encore vénérée et splendide ; elle avait résisté aux orages furieux du Nord, à ses longs hivers qui désagrègent la pierre même, à trois siècles de guerre, à quatre incendies. En 1540, la réforme pénétra en Norwége, et par elle la cathédrale fut appauvrie, mutilée, dépouillée. La réforme vendit les vases sacrés, dispersa les reliques, brisa les statues. Aujourd’hui la chasse miraculeuse de saint Olaf, si lourde qu’il fallait soixante hommes pour la porter, les reliquaires étincelants de pierreries qui ornaient le maître autel, sont remplacés par une copie du Christ de Thorwaldsen, tandis que l’abondante végétation de plantes de pierre entourant les colonnettes de la nef disparaît sous les loges de bois à rideaux rouges où se placent les protestants pour entendre le service ; plus de statues sculptées dans le chœur, plus de tombes révérées dans les chapelles, plus de lampes dans le sanctuaire ; tout ce que les orages, les incendies et le fanatisme destructeur du seizième siècle avaient épargné est enfoui et empâté dans un horrible badigeon gris-bleu ou dans des draperies de calicot. Cette pauvre église ne peut plus même se faire une beauté avec sa vétusté ; elle est comme un vieux soldat qu’on forcerait à cacher ses blessures avec des oripeaux.

Lorsque je la visitai, il pleuvait à torrents ; les grandes ogives, privées de leurs vitraux de couleur, laissaient tomber sur les dalles un jour terne et blafard, en harmonie avec le délabrement de l’édifice ; il semblait que le ciel lui-même regardât d’un œil triste cette grande et magnifique basilique, jadis témoin de tant de pompes, entourée de tant de véné-