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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

milliers de récifs, le 19 juin, à quatre heures du soir, nous passâmes le cercle polaire arctique par 66 degrés de latitude nord, comme vous savez. Dans les environs du cercle polaire, les montagnes de la côte deviennent plus hautes et plus escarpées ; la neige qui, près de Drontheim, apparaît par taches, envahit peu à peu toutes les pentes ; la végétation s’amoindrit ; à de rares intervalles, quelques bouleaux maigres et privés de feuilles montrent leurs têtes ébouriffées comme d’énormes perruques à la Louis XIV ; le lichen seul accroche ses racines ténues dans les crevasses des rochers rongés par la neige.

Comme contraste à ce morne paysage, le bateau présentait l’aspect le plus animé. On s’arrêtait fréquemment dans de petites anses pour prendre ou laisser des passagers. Ceux-ci arrivaient toujours dans les meilleures dispositions, de façon que notre pont était sans cesse encombré d’une foule remuante et joyeuse. Le bateau à vapeur joue en Finmark le rôle d’omnibus ; lui seul favorise les communications entre les groupes d’habitations ordinairement séparées par dix ou douze lieues d’une côte dangereuse. Les montagnes de l’intérieur sont infranchissables. Le bateau à vapeur est le lien précieux qui rapproche les habitants du Nordland les uns des autres. On voit arriver chaque année avec bonheur ce symbole de toutes les joies : le bateau, c’est la vie qui revient, c’est l’été et ses rayons bienfaisants, ce sont les amis, les provenances du sud, et les modes, et les nouvelles, et les romans, et parfois même les étrangers, chose rare pourtant.

Aussi, comme on fête le bateau, comme on le sa-