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AU SPITZBERG.

poussant près des abîmes, comme ces pensées d’espérance qui surgissent au milieu des tourmentes du désespoir. Mais mon désir était irréalisable ; on s’était déjà arrêté trop longtemps ; les heures du bateau à vapeur étaient comptées ; le capitaine insista pour retourner à Hammerfest. On prit congé de l’hospitalier M. Ullique et de sa gracieuse famille ; d’innombrables hourras norwégiens nous saluèrent au départ, et leur bruyant enthousiasme dut surprendre les échos solitaires des rochers du cap Nord. La traversée du retour fut charmante ; le temps, quoique froid, était admirable ; la mer ressemblait à un miroir d’émeraude ; à de grandes profondeurs, on voyait des poissons nager, jouer et se poursuivre ; le ciel bleu pâle, fouetté de petites nuées blanches, éclairé par le jour mystérieux des nuits polaires, avait des miroitements et des glacis de soie, et lorsque, vaincue par la fatigue de cette active journée, je m’endormis dans une petite chaloupe posée sur le pont, je ne savais plus si c’était le ciel qui ressemblait à de la moire, ou si mon ciel de lit était taillé dans un morceau du firmament.

Le lendemain de mon retour à Hammerfest, je m’embarquai pour le Spitzberg.