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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG

bord, après une absence de quelques heures, qu’une épaisse brume nous enveloppa, et Cherry disparut à nos yeux comme si un immense rideau de gaze grise eût été subitement tiré entre nous et une fantastique décoration.

À partir de cette journée, le temps redevint constamment mauvais ; la mer, tantôt violente, tantôt houleuse, ne nous laissait guère de répit, et la neige qui couvrait souvent le pont me privait même du délassement de la promenade. Pendant plus de quinze jours de suite nous ne pûmes dîner sans que la table et les chaises fussent solidement arrimées. Quant à la façon dont notre dîner était servi, je la trouvais presque amusante. On posait d’abord sur la table un grand couvercle de bois percé d’un nombre infini de petits trous où s’adaptaient des chevilles mobiles ; cela représentait fort bien un immense jeu de solitaire, au milieu duquel erraient une certaine quantité de plats, d’assiettes, de verres, etc., et autres nécessités d’un dîner ; les chevilles, adroitement ajustées, maintenaient chaque chose en place, et avec cette méthode on pouvait dîner assez à l’aise, malgré les plus affreuses secousses.

Le 28 juillet, nous passâmes en vue des terres de Bellsund (baie de la Cloche), que les expéditions précédentes n’avaient pu dépasser.

Le 29, on fêta à bord l’anniversaire des journées de Juillet ; le capitaine réunit tous les passagers à son état-major dans un grand dîner servi dans le carré ; la chère fut luxueuse, quoique tout entière composée de mets conservés, et l’humeur très-gaie malgré le froid. Je noterai seulement ces deux par-