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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

ferré dans cette glace, elle se divise en une innombrable quantité de petits cristaux en forme d’aiguille, tout semblables à ceux qu’on voit pendre autour de certains lustres ; rien n’est plus joli à voir et plus agréable à croquer, même par le froid, et, s’il était possible d’en obtenir de semblables artificiellement, cela figurerait à merveille dans nos bals, entre les sorbets et les fruits glacés. La neige a aussi sa singularité : elle perd parfois sa blanche et proverbiale couleur, pour devenir vert tendre ou rose pâle ; cette coloration, qu’on voit souvent envahir des plaines entières, est due à la présence de cryptogames imperceptibles qui se développent à la superficie de la neige, sous l’influence de certaines combinaisons atmosphériques. Ceci constitue la végétation la plus apparente du Spitzberg ; cependant, de patientes investigations peuvent faire découvrir au fond de quelques vallées, dans d’étroites crevasses garanties par des rochers, de petites plantes maigres, chétives, étiolées, qui penchent tristement leur tête vers le sol : c’est la saxifrage étoilée, la renoncule jaune, le pavot blanc. Sur les rochers mêmes il croît un lichen pierreux très-adhérent, assez pareil à de gros champignons séchés ; on rencontre aussi quelques touffes de mousse noirâtre, si imprégnées de l’humidité qu’elles se détachent par mottes sous le pied et ont l’aspect d’une éponge moisie ; lorsque, après plusieurs heures de courses dans les rochers, j’avais réussi à réunir un petit faisceau de plantes gros comme une botte d’allumettes, je revenais triomphante et je rangeais orgueilleusement mon butin de la journée dans des feuilles de papier gris. Voilà