Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

ils fabriquent de menus bijoux, des coffrets découpés comme de la dentelle, et particulièrement des chaînes formées de petits anneaux, comme celles que l’on nomme jaseron : ces chaînes ainsi exécutées en ivoire rappellent l’habileté chinoise. La plupart de ces petites œuvres d’art et de patience arrivent de la Sibérie, où les prisonniers sculptent l’ivoire de morse comme nos galériens emploient à Toulon la noix de coco. Les morses, si rares à Magdalena-Bay, se trouvent en grand nombre sur les côtes méridionnales du Spitzberg ; un bateau pêcheur en tue d’ordinaire deux ou trois cents par saison.

Sans être aussi nombreux qu’à Beeren-Eiland, les oiseaux de mer se montraient en grand nombre sur les glaces et sur les rochers, mais ils n’égayaient pas notre séjour, au contraire. L’oiseau de mer est à peine un oiseau ; il ne l’est ni par le ramage, ni par les mœurs ; il est vorace, farouche, criailleur et querelleur ; eût-il, comme le guillemot, les jolies pattes de corail de la perdrix rouge, il n’en a jamais la grâce craintive. L’oiseau de mer n’a pas de ramage, mais un cri qui varie du rauque au lugubre ; certaines espèces de goëlands se plaignent comme des enfants qui pleurent ; d’autres, nommés par les matelots goddes, poussent des ricanements étranges : rien ne repose l’œil dans ce sinistre pays, rien ne charme l’oreille ; tout y est triste, tout, jusqu’aux oiseaux !…

Quelques renards bleus furent tués par nos chasseurs ; ils étaient petits, chétifs et laids. Les renards bleus du Spitzberg ne ressemblent en rien aux renards d’Islande ou de Sibérie, dont la fourrure est si