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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

belle et si estimée. À force d’être bien garantis contre le froid, ils n’ont même plus sur le corps une fourrure, mais plusieurs couches de poils très-épais et si mêlés, si pelotonnés, que c’est bien plutôt un matelas qu’une fourrure ; en outre, au lieu d’être de couleur un peu fauve comme les renards d’Islande, ils sont gris cendré. Leur peau est tout au plus bonne à faire des tapis. Comme toutes les bêtes destinées à notre table étaient mortes de froid, on essaya de manger de ces renards : mais, quoique très-fatiguée de la nourriture conservée, je la préférais cependant à la chair de ces animaux, qui a un goût sauvage très-repoussant.

D’ours, de loups ou de rennes, nous n’en vîmes pas l’ombre, et les animaux dont je viens de vous parler forment, avec les méduses bleues et quelques autres zoophytes, les seuls êtres animés que nous aperçûmes pendant un séjour de six semaines à la baie Madeleine.

Dans tout autre lieu que ces régions polaires, un navire au mouillage est en sûreté ; au Spitzberg, je vous l’ai dit, la plus terrible chance n’est pas celle d’un naufrage, c’est celle d’un hivernage ; d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, la baie qui vous abrite peut se changer en prison, et quelle prison ! Aucun cachot n’inspire une pareille terreur ! J’ai bien pu m’en rendre compte un jour : c’était le 7 août ; plusieurs personnes de l’expédition, voyant le temps clair et la neige balayée par un bon vent d’est, voulurent aller en chaloupes jusqu’à la pointe d’Hakluyt, le dernier cap au nord de la côte du Spitzberg. L’excursion devait durer une journée ; on n’a-