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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

de fumée par ses quatre cheminées ; au fond du golfe, tapie dans le lieu le plus calme et le mieux abrité, la maison anglaise apparaît avec son toit rouge, ses murailles peintes et luisantes, son air d’aisance et d’ordre, et laisse sortir un groupe d’enfants qui va s’ébattre dans le petit parterre de renoncules, de pavots et de myosotis. La prière, le travail, la famille, la vie entière de l’homme dans ce qu’elle a de meilleur, est ainsi représentée dans ce petit golfe des côtes du Finmark.

Je passai quatre jours à Kaafiord, fort occupée des préparatifs de notre voyage à travers la Laponie. Les membres de la commission scientifique devaient également faire ce trajet difficile ; mais nous désirâmes partir avant eux. Mes hôtes firent beaucoup d’efforts pour me détourner du projet de revenir par la Laponie. « Vous ignorez, madame, me disaient-ils tous, les dangers des déserts de la Laponie ; figurez-vous des marais profonds, fangeux, impraticables ; vous serez obligée de faire plus de cent lieues sans rencontrer un toit, sans voir un chemin frayé ; si vous voulez absolument explorer cet affreux pays, attendez au moins les premières neiges ; alors, du moins, vous pourrez voyager en traîneaux sur la terre gelée, et vous traverserez en dix jours tout l’espace que vous mettrez peut-être six semaines à parcourir maintenant ; c’est folie d’entreprendre de gagner Torneä par cette saison de pluie et de dégel ! » Tout ceci était fort sensé et dit dans les meilleures intentions ; seulement, comme pour suivre le conseil, il eut fallu se décider à passer le reste de l’hiver à Stockholm et prolonger ainsi de trois mois un