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VOYAGE D’UNE FEMME

cevait de loin ; dépouillés de feuilles, étendant de tous côtés leurs maigres rameaux capricieusement enlacés, ils avaient l’air d’une forêt de cornes de cerfs. J’avais été assez peu mouillée ce jour-là pour espérer parvenir à me sécher tout à fait ; j’y réussis à peu près, grâce au bon feu entretenu par nos guides, et j’entrai dans la tente vraiment réchauffée pour la première fois depuis notre départ. François, satisfait comme tout le monde d’avoir enfin du feu, s’agitait autour de ses écuelles et avait donné à la tente un petit air de fête ; des bouts de bougie ajustés sur de petits bâtons formaient un éclairage a giorno ; le couvert était symétriquement arrangé sur un manteau posé à terre, et des sacs du bagage étaient disposés autour pour nous servir de siéges. C’était luxueux, je dois en convenir, et bien capable de faire écarquiller les yeux rouges du bon Abo lorsqu’il passa sa tête par notre porte pour nous regarder souper ; il examina tout curieusement, puis il nous adressa une sorte de grimace en faisant claquer sa langue ; était-ce de l’admiration, était-ce du dédain ? Cela voulait-il dire : « Qu’ils sont heureux ! » ou bien : « À quoi bon tant de façons pour manger ? » Voilà ce que je n’ai pu démêler ; d’autres plus habiles que moi se trompent tous les jours en voulant lire sur la physionomie d’un homme.

Il serait, je le crains, monotone de vous faire suivre jour par jour, avec trop d’exactitude, les accidents de notre longue pérégrination. Le peintre comme le narrateur n’a guère à faire en de pareils pays.

La Laponie n’a que deux aspects : les plaines pier-