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VOYAGE D’UNE FEMME

horrible : celle de la lèpre. Cette affreuse maladie se rencontre encore dans les régions boréales ; la saleté, l’absence de linge l’engendrent, et la rigueur du climat contribue à la rendre incurable. À part cette calamité, les Lapons sont doués de constitutions robustes et sont peu sujets aux indispositions ; lorsqu’ils éprouvent un malaise, une médecine composée de quelques parcelles de tabac infusées dans de l’eau de-vie forme toute leur médication : les riches et délicats possèdent un peu de poivre et de cannelle pour de semblables circonstances ; les pauvres ont l’angélique, si commune en Norwége, et ce peu de pharmacie leur suffit.

Tous ces détails, recueillis parmi mon entourage lapon, m’intéressaient fort ; mais ma fatigue extrême me contraignit à un repos absolu pendant quarante-huit heures : j’avais une fièvre ardente, et je devais craindre de la voir m’empêcher de continuer ma route.

Les voyageurs exténués par le rude bivouac des marais ont la bonne fortune de trouver à Kautokeino une maison toujours ouverte pour les recevoir : c’est celle du pasteur. Là on trouve un toit et un plancher, une grande cheminée de pierre, des coffres de sapin faisant office de lit, et quelques vaisseaux de bois pour contenir l’eau et le lait : voilà tout. C’est beaucoup pour le voyageur ; c’est bien peu pour le pasteur. Jamais la pauvreté évangélique ne m’apparut plus complète et plus noble que dans cette humble maison ; elle me fit involontairement penser à l’étable de Bethléem. L’actif missionnaire de la parole du Christ passe chaque