Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
VOYAGE D’UNE FEMME

l’avant, ont sans cesse les yeux fixés sur lui et exécutent ses ordres avec une ponctualité de machine. L’admirable adresse de ces trois hommes fait glisser le batelet avec une agilité de poisson au milieu des écueils du fleuve. Lorsqu’on rencontre une cascade, les bateliers doivent éviter à la fois d’être entraînés par la violence du courant ou lancés contre quelque rocher. Leur habileté suprême consiste à conserver le gouvernement de leur vitesse au moment même où ils sont emportés avec la rapidité d’une flèche. Parfois il arrive que la quille du bateau touche quelque rocher à fleur d’eau. On reçoit alors un choc. On frémit ; mais, avant que la crainte se soit complétement formulée, le bateau a rebondi comme une balle au milieu du remous de la cascade, qui se venge des voyageurs téméraires en les couvrant d’une pluie pénétrante. Les cascades sont infiniment rapprochées ; nous en avions franchi quarante-cinq le premier jour. Leur longueur varie de cinquante à cent vingt toises ; elles se partagent ordinairement en plusieurs chutes ; de façon qu’on met de une à quatre minutes pour les franchir.

Entre Karesuando et Muonioniska, le pittoresque me parut concentré sur les rapides. Les bords du fleuve ont un aspect fort monotone ; ils offrent une suite non interrompue de prairies dominées au loin par de petites collines basses et boisées de bouleaux. Dans ce canton, les bords du Muonio sont déserts ; rarement la fumée de la cabane d’un pêcheur ou la silhouette d’une ferme finlandaise en égaye la solitude. En avançant vers le sud, le paysage s’enrichit du feuillage élégant des pins, qui, d’abord petits,