Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/335

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
323
AU SPITZBERG.

L’illustre auteur du Joueur et du Légataire universel faisait, du reste, beaucoup mieux les vers que les narrations de voyage ; la sienne est un tissu de fables sur la Laponie ; il devait mal la connaître : ne l’ayant pas visitée ; car il s’arrêta, non aux limites de la terre, mais aux frontières laponnes, qu’il dépassa à peine de quelques milles.

En quittant ce sombre Torneä, je me retrouvai avec plaisir au milieu de l’active population d’Haparanda ; je parcourus la ville dans le double but de la voir d’abord, de me procurer une voiture ensuite. Comme toutes les villes nouvelles, Haparanda n’a pour habitants que des marchands ; elle est l’entrepôt des provenances du sud, si utiles au nord, et de celles du nord, recherchées par le sud ; elle sert d’intermédiaire entre les Russes, les Suédois, les Lapons et les Finlandais ; elle possède à la fois dans ses magasins des fourrures d’ours, de rennes, de loups, de renards, d’hermines, des peaux de phoques et de morses, des planches, du goudron, du beurre, du poisson salé, surtout du saumon et du blé, de l’eau-de-vie, des pommes de terre, du vin, des cotonnades, des draps, des rubans, même des livres, des bijoux, du café, du tabac, et quelques autres objets comme ceux-ci, de grand luxe dans un tel pays. L’hiver, Haparanda n’est pas moins active que l’été ; la mer est immobile ; son port est fermé et désert ; mais le froid, en gelant les lacs et les fleuves ; la neige, en comblant toutes les inégalités du terrain, ont rendu praticables les pays abrupts de l’extrême nord ; alors le Lapon arrive avec ses rennes, le Finlandais avec ses chevaux, tous avec leurs traîneaux légers et rapides,