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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

Je quittai le Danemark à tire-d’aile, et je ne vis bien la masse imposante du Kroneberg que lorsque je fus installée dans un batelet nageant vivement vers la Suède.

Le Kroneberg (dont le nom signifie, je crois, couronne de la montagne) date du quinzième siècle, et a bien le caractère solide et massif de l’architecture fortifiée de cette époque. Il fut construit par Éric VII, le misérable successeur de cette grande Marguerite, qui porta si dignement trois couronnes et mérita le surnom de Sémiramis du Nord.

Le château de Kroneberg garde et surveille le détroit du Sund ; cerbère attentif, il reçoit un droit de passage de tout navire entrant dans la Baltique ou en sortant ; à la rigueur, ses exigences seraient appuyées par une très-recommandable batterie de canons.

Le détroit du Sund est fort étroit ; le vent s’y engouffre par caprice comme dans un défilé ; j’ai failli être victime d’un de ces courants d’air inattendus ; notre bateau a été sur le point de se coiffer fort désagréablement, à cause d’une petite voile latine que j’avais imprudemment fait laisser ouverte, par amour du pittoresque. Quoi de plus charmant qu’une de ces gracieuses voiles triangulaires, serrant le vent et emportant un canot comme un oiseau de mer qui fuit devant la brise ! C’est charmant ! oui, mais c’est dangereux, — comme beaucoup de choses charmantes !

La petite ville de Suède où on aborde en face d’Elseneur (en danois Helsingor), se nomme Helsingborg ; c’est un petit port calme, sans mouvement, peu commerçant, peu peuplé, peu curieux à visiter,