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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

peu à peu si rares, qu’il arrive de voyager tout le jour sans voir une seule maison entre les relais, très-éloignés les uns des autres. Les relais ne sont pas des villages, mais des fermes assez considérables appelées dans le pays gaards. Le gaard norwégien se compose d’une vaste habitation entourée de petits corps de logis servant de granges, d’étables, etc. La maison, faite de troncs de sapin à peine équarris, dont les interstices sont bouchés avec de la mousse, sert d’habitation au maître et à sa famille ; les domestiques et les bestiaux logent dans les petits bâtiments d’exploitation. Ces gaards forment autant de petites colonies tout à fait isolées qui se suffisent à elles-mêmes. Les grandes distances et la rigueur des hivers obligent ces familles de paysans à prévoir tous les besoins de la vie ; aussi sont-ils fort industrieux.

Les femmes filent le lin et le chanvre, tissent la toile et fabriquent une sorte de drap grossier et solide, appelé wadmel, dont les hommes se vêtent. Les hommes sont tour à tour laboureurs, forgerons, maçons, charpentiers, et au besoin cordonniers et tailleurs. Outre de bons vêtements et des meubles suffisants, les jeunes filles ont quelques dentelles, quelques bijoux, des fichus de soie rapportés de la ville par le père ; et puis dans chaque maison on aperçoit, respectueusement posé sur un bout de tapis, le gros volume, bibliothèque du pauvre, le livre qui remplace et dépasse tous les autres, le livre des livres — la Bible — et chaque petit enfant sollicité par sa mère saura vous en lire un verset. Douce et paisible existence ! froide, pure et égale comme l’azur du ciel du Nord ; région sereine et humble, sans rayons, sans orages, que les