Page:Ausone - Œuvres complètes, trad Corpet, Tome II, 1843.djvu/11

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ont été les témoins d’une partie de sa vie. Avancer un mensonge, aujourd’hui qu’il n’est plus, n’est pas un moindre crime à mes yeux que de taire la vérité. Ces vers ont été inscrits sous son portrait, ce qui ne m’empêche pas de les comprendre dans le recueil de mes œuvres. Tous mes autres écrits me déplaisent ; celui-là seul, j’aime à le relire. Adieu.


Épicède de Julius Ausonius, son père.

Ausonius est mon nom : je n’étais point le dernier dans l’art de guérir, et, pour qui connaît mon siècle, j’étais le premier. J’ai eu pour patrie et pour demeure deux villes voisines : je naquis à Vasates, mais j’habitai Burdigala. Une double curie, un double sénat me compta parmi ses membres ; mais, étranger à leurs travaux, je n’y participai que de nom. Ni riche, ni pauvre, je fus économe sans être sordide. Ma nourriture, ma tenue, mes mœurs, n’ont jamais changé. Je parlais difficilement en latin, mais la langue de l’Attique me prêtait pour m’exprimer d’élégantes paroles. J’ai offert gratuitement le secours de mon art à tous ceux qui l’ont réclamé, et mes soins n’allaient pas sans la charité. J’ai tâché de répondre à l’opinion des hommes de bien ; jamais, à mon propre jugement, je ne fus content de moi-même. Les services de diverse nature que je dus rendre à plusieurs, je les dispensai toujours selon les personnes, les mérites ou l’occasion. Ennemi des procès, je n’ai accru ni diminué mon bien. Nul n’a dû sa perte à mes délations ou à mon témoignage. Je n’ai envié personne : j’ai fui tous désirs et toute ambition. Jurer ou mentir, était selon moi la même chose. Factieux ou conjurés ne m’ont jamais rattaché à leur parti. J’ai cultivé l’amitié avec une foi sincère. J’ai reconnu que l’homme heureux était, non celui qui possédait ce qu’il voulait, mais celui qui ne souhaitait