Page:Ausone - Œuvres complètes, trad Corpet, Tome II, 1843.djvu/77

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ta gloire est assurée ; ne refuse pas d’adopter un frère. Riche en eaux, riche en Nymphes, ton lit fera la part de chacun ; il divisera sa masse en deux branches, et ouvrira diverses embouchures à vos courants communs. Arriveront sans peine alors des forces qui feront trembler les Francs, les Chamaves et les Germains. tu seras la véritable barrière de l’empire. Tu recevras, de l’union d’un si grand fleuve, un double nom ; et quoique tu coules d’une source unique, on t’appellera le Rhin à deux fronts.

Ainsi, Vivisque d’origine, moi qui ne suis connu des Belges que par les liaisons récentes de l’hospitalité, moi Ausone, italien par le nom, qui ai ma patrie et mes foyers entre l’extrémité des Gaules et les hautes Pyrénées, là où la riante Aquitaine adoucit l’âpreté des mœurs naïves, ainsi j’osais chanter sur une faible lyre. Qu’on ne me fasse pas un crime d’avoir essayé, en l’honneur d’un fleuve sacré, cet humble hommage de ma muse. Je ne recherche point la louange, je sollicite un pardon. Beaucoup d’autres, près de toi, fleuve nourricier, aiment à puiser aux saintes sources d’Aonie, et boivent toute l’Aganippé. Moi, pour peu que ma veine me donne de sève encore, quand Auguste le père, quand son fils, si cher à mon amour, me renverront à Burdigala, ma patrie, au nid de ma vieillesse, et m’auront paré des faisceaux d’Ausonie et des honneurs de la curule, après le temps accompli de l’enseignement que j’ai commencé, je reprendrai avec plus d’étendue l’éloge de mon fleuve du nord : je dirai aussi les villes qui se baignent dans tes ondes silencieuses, et les antiques forteresses dont les murailles te contemplent. Je dirai ces asiles construits pour les jours de péril, et qui ne sont plus les arsenaux, mais les greniers de la Belgique pacifiée. Je dirai les heureux laboureurs qui cultivent tes deux rives, et tes flots qui, mêlés aux travaux des hommes et des bœufs,