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Page:Austen - Emma.djvu/10

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de la belle-sœur de la jeune fille ; ces derniers ne connaissaient pas le fiancé, mais leur orgueil se trouvait offusqué par cette mésalliance.

Néanmoins, Mlle Churchill étant majeure et disposant de sa fortune (du reste nullement en rapport avec les revenus du chef de la famille) ne se laissa pas détourner de ce mariage : il eut lieu malgré l’opposition de M. et de Mme Churchill, qui rompirent solennellement avec leur sœur et belle-sœur.

Ce fut une union mal assortie ; Mme Weston aurait dû y trouver le bonheur ; M. Weston en effet ne savait comment remercier sa femme de la grande bonté qu’elle avait eue de tomber amoureuse de lui ; mais, si celle-ci avait fait preuve d’assez de fermeté de caractère pour agir suivant sa volonté et tenir tête à son frère, elle en manqua pour supporter les conséquences de son acte ; elle ne pouvait oublier le luxe où elle avait été élevée ; le ménage vivait au-dessus de ses moyens tout en menant néanmoins un train de vie comparativement fort modeste ; Mme Weston n’avait pas cessé d’aimer son mari, mais elle aurait voulu être à la fois la femme du capitaine Weston et Mlle Churchill d’Enscombe !

Le capitaine Weston n’avait pas, en fin de compte, réalisé une aussi brillante affaire que les Churchill se l’imaginaient ; sa femme mourut au bout de trois ans de mariage et il se retrouva moins riche qu’auparavant, avec un fils à élever. Il n’eut pas longtemps, il est vrai, ce genre de préoccupation ; la naissance d’un garçon et l’état de santé de la mère avaient déjà facilité une sorte de réconciliation et peu après le décès de Mme Weston, M. et Mme Churchill proposèrent de se charger entièrement du jeune Frank. Le père dut évidemment éprouver quelque scrupule et quelque répugnance à accepter, mais d’autres considérations l’emportèrent : l’enfant fut confié aux soins et voué à la fortune des Churchill.

Le capitaine Weston, libre de toute attache, jugea qu’un changement de vie complet s’imposait : il donna sa démission et ses frères, avantageusement établis à Londres, lui facilitèrent l’accès des affaires. Ses occupations n’étaient