Page:Austen - Emma.djvu/105

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ce rappel à la réalité suffisant ; elle se leva aussitôt et alla s’asseoir près de sa sœur avec laquelle elle se mit à parler avec animation. À ce moment, M. Jean Knightley, qui était sorti pour examiner le temps, rentrait précisément ; il communiqua aussitôt à voix haute la nouvelle que le sol était couvert de neige, laquelle continuait à tomber et que le vent soufflait ; il termina en s’adressant à M. Woodhouse :

— Voilà un heureux début pour vos sorties d’hiver, Monsieur. Votre cocher et vos chevaux apprendront à se frayer un chemin à travers une rafale de neige.

M. Woodhouse demeura muet, consterné ; mais tout le reste de l’assistance eut un mot à dire : les uns manifestaient leur surprise, les autres au contraire assuraient qu’ils s’attendaient à ce qui arrivait. M. Weston et Emma firent de leur mieux pour réconforter M. Woodhouse et occuper son attention pendant que son beau-fils poursuivait triomphalement :

— J’ai admiré votre courage, Monsieur, de vous aventurer dehors par un temps pareil, car naturellement vous saviez qu’il y aurait de la neige avant peu ; tout le monde pouvait voir que la neige menaçait. Du reste, une heure ou deux de neige ne peuvent rendre la route impraticable ; si l’une des voitures est renversée dans quelque fossé, nous aurons l’autre : je pense donc que nous serons de retour à Hartfield vers minuit.

M. Weston au contraire émit une opinion plus optimiste : il savait depuis longtemps qu’il neigeait mais il n’avait pas voulu le dire de peur de tourmenter M. Woodhouse et de lui faire hâter son départ ; quant à supposer que la neige pût en aucune façon empêcher leur retour, c’était là une simple plaisanterie et il regrettait de dire qu’ils n’auraient aucune difficulté à s’en aller. Il le regrettait, car il eut désiré les conserver tous à Randalls ; il était bien sûr qu’avec un peu de bonne volonté tout le monde pourrait être casé ; il prenait sa femme à témoin !