Je ne saurais, Monsieur Elton, trouver les paroles pour exprimer mon étonnement. Après votre conduite vis-à-vis de Mlle Smith, après les attentions que j’ai été à même d’observer depuis quelques semaines, est-ce possible que ce soit à moi que vos discours s’adressent ? Jamais je n’aurais supposé use pareille inconséquence de caractère. Vous pouvez m’en croire, Monsieur, je suis loin, bien loin de me sentir flattée d’être l’objet de vos recherches.
— Grand Dieu ! reprit M. Elton, que voulez-vous dire ? Mais je n’ai jamais donné une pensée à Mlle Smith dans toute mon existence ; je ne me suis jamais occupé d’elle que comme votre amie et il m’importait peu qu’elle fût vivante ou morte en dehors de cette circonstance. Si ses désirs lui ont fait supposer autre chose, j’en suis extrêmement fâché. Ah ! Mlle Woodhouse, qui pourrait regarder Mlle Smith lorsque vous êtes là ? Non, sur mon honneur, je ne mérite pas le reproche d’inconstance, je n’ai jamais pensé qu’à vous. Je proteste contre votre insinuation de m’être jamais occupé particulièrement de qui que ce soit excepté de vous. Tous mes actes et toutes mes paroles depuis plusieurs semaines n’ont eu en vue que de vous marquer mon adoration. Vous n’en doutiez pas sérieusement n’est-il pas vrai ? Je suis sûr que vous m’avez compris. »
Il est impossible de dire ce qu’éprouva Emma en entendant ces paroles ; elle resta interdite quelques instants : ce silence fut pour le tempérament optimiste de M. Elton un encouragement suffisant ; il essaya de nouveau de lui prendre la main et il dit avec exaltation :
— Charmante Mademoiselle Woodhouse, permettez-moi d’interpréter votre silence comme un acquiescement : vous avez deviné depuis longtemps mon secret !