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Page:Austen - Emma.djvu/117

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plications

qu’elle aurait à donner à Harriet, et la gêne des rencontres ultérieures avec M. Elton, la contrainte qu’il lui faudrait s’imposer pour dissimuler son sentiment et éviter un éclat. Finalement elle se coucha, doutant d’elle-même et de tout, certaine seulement de s’être grossièrement trompée.

Il est rare que le retour du jour n’apporte avec lui un soulagement appréciable aux chagrins de la jeunesse ; Emma se réveilla le lendemain matin dans de meilleures dispositions d’esprit et assez encline à ne plus considérer la situation, comme inextricable ; d’abord M. Elton n’était pas véritablement amoureux d’elle et, de son côté, elle ne manquait pas à son égard de cette sympathie qui eût pu lui rendre pénible la désillusion qu’elle lui infligeait ; en second lieu, elle se rendait compte que la nature d’Harriet ne la prédisposait pas à ressentir très profondément les émotions de ce genre ; enfin il n’était pas nécessaire que personne fût mis au courant de ce qui s’était passé et elle n’avait à craindre pour son père aucun contrecoup fâcheux.

Ces pensées la réconfortèrent et la vue de l’épais tapis de neige qui couvrait le sol lui causa une agréable surprise comme propice à leur intimité familiale ; bien que ce fût Noël, elle avait une excellente excuse pour se dispenser d’aller à l’église ; elle évitait ainsi une rencontre pénible.

Les jours suivants, l’état du temps demeura indécis entre la gelée et le dégel ; chaque matin commençait par la neige ou la pluie et chaque soir amenait la gelée. Il ne pouvait être question de sortir. Emma se trouva donc à même de profiter des avantages de son isolement : pas de communications avec Harriet, sauf par lettre ; pas d’église le dimanche suivant et aucune nécessité d’inventer une excuse pour l’absence de M. Elton ; il paraissait tout naturel à M. Woodhouse que l’on restât chez soi par un temps pareil, et il ne manquait pas de dire à M. Knightley qu’aucune température n’arrêtait : « Ah ! Monsieur Knightley, que n’imitez vous M. Elton qui ne s’expose pas à prendre froid ! »

Cette vie paisible et retirée convenait exactement à M. Jean Knightley dont l’humeur était un facteur important du bien-être général : du