— Sans doute, il n’est pas beau, mais ce n’est qu’un détail en comparaison de son manque de distinction. Je n’étais pas en droit de m’attendre à grand chose mais j’avoue que je le croyais placé à deux ou trois échelons plus haut sur l’échelle sociale.
— Évidemment, dit Harriet toute mortifiée, il n’a pas la bonne grâce d’un homme du monde.
— Vous avez, Harriet, rencontré à Hartfield, quelques hommes véritablement comme il faut et vous devez vous rendre compte vous-même de la différence qui existe entre eux et M. Martin. Vous devez être étonnée d’avoir pu à aucun moment le juger favorablement. Vous avez certainement remarqué son air emprunté, ses manières frustes et son langage vulgaire ?
— Certainement, il ne ressemble pas à M. Knightley : il n’a ni le port, ni les manières de M. Knightley. Je vois la différence clairement… mais M. Knightley est particulièrement élégant.
— M. Knightley a si grand air qu’il ne serait pas équitable de l’opposer à M. Martin. Vous avez été à même d’observer d’autres hommes bien élevés : M. Weston et M. Elton, par exemple ? Faites la comparaison. Quelle différence dans le maintien, dans la manière d’écouter et de parler !
— Vous avez raison, mais M. Weston est un homme âgé : il a près de cinquante ans.
— C’est l’âge où les bonnes manières ont le plus d’importance ; le manque d’aisance devient alors plus apparent. M. Martin paraît vulgaire, malgré sa jeunesse ; que sera-ce lorsqu’il aura atteint l’âge de M. Weston ?