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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 27 juillet 1910 [38]




EMMA


Par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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Emma ne tarda pas à s’apercevoir des conséquences de ce départ ; les rencontres avec Frank Churchill avaient été presque journalières ; sans aucun doute sa présence à Randalls avait apporté une grande animation : chaque jour elle attendait sa visite et elle était sûre de le trouver aussi attentif, aussi plein d’entrain ! Cette dernière quinzaine avait été agréablement employée et le retour à la vie courante d’Harfield ne pouvait manquer de paraître triste. De plus, au cours de leur dernière entrevue Frank Churchill lui avait laissé entendre qu’il l’aimait et de ce fait le prestige du jeune homme se trouvait rehaussé.

Emma cherchait à se rendre compte de l’état de son propre cœur.

— Je dois certainement être amoureuse, se dit-elle ; cette sensation de fatigue, d’ennui, ce dégoût de m’asseoir et de m’appliquer à une tâche quelconque, ce sont là tous les symptômes de l’amour. Enfin, le mal des uns fait le bonheur des autres ; je ne serai pas la seule à regretter le bal, mais M. Knightley sera heureux : il pourra passer la soirée en compagnie de son cher William Larkins.

À l’encontre de ces prévisions, M. Knightley ne manifesta aucun sentiment de triomphe ; il ne pouvait pas affecter de regretter personnellement la fête : sa mine réjouie aurait suffi à le


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