Page:Austen - Emma.djvu/238

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place dans le landau pendant nos excursions.

Peu après, Mme Elton prit congé, laissant Emma stupéfaite :

« Pauvre Jane Fairfax », se dit-elle, « vous ne méritiez pas d’en être réduite à la protection et aux bontés de Mme Elton ! Je veux croire qu’elle ne se permettra pas de parler de moi sur ce ton, mais, sur mon honneur, il ne semble pas y avoir de limites à l’intempérance de langage chez cette femme ! »

À partir de ce jour Emma ne fut plus appelée à recevoir les confidences de Mme Elton : elle résigna sans regret le rôle d’amie intime de Mme Elton et celui de dame patronnesse de Jane Fairfax et se contenta d’observer de loin ce qui se passait. Les attentions de Mme Elton pour Jane avaient éveillé chez Mlle Bates une reconnaissance sans bornes. Mme Elton devint bientôt l’objet de sa vénération : « la plus affable, délicieuse, aimable femme ! etc. »

Emma s’étonnait pourtant de voir Jane Fairfax tolérer les manières de Mme Elton, accepter les invitations, prendre part aux promenades. Elle n’aurait pas cru possible que le goût et la fierté de Mlle Fairfax pussent agréer une pareille société ni supporter le poids d’une amitié de ce genre.

« C’est une énigme, pensait Emma, préférer rester ici, exposée aux privations de toutes sortes, et subir maintenant la mortification d’être distinguée par Mme Elton plutôt que de retourner vers ceux dont la généreuse affection lui est acquise ! »

Jane était venue à Highbury pour trois mois ; c’était précisément la durée éventuelle du séjour des Campbell en Irlande, mais ceux-ci avaient cédé aux sollicitations de leur fille et s’étaient décidés à rester une partie de l’été. On savait par Mlle Bates que Mme Dixon écrivait de la façon la plus pressante pour décider Jane à venir les rejoindre ; toutes les dispositions étaient prises pour le voyage ; des voitures et des domestiques seraient envoyés et des amis