Page:Austen - Emma.djvu/284

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bavarde, vous le savez ; il m’est arrivé de dire ce que j’aurais dû taire. Je ne ressemble pas à Jane et je le regrette. Je me porte garante qu’elle ne trahira jamais un secret. Où est-elle donc ? Ah ! la voilà. Quel rêve extraordinaire !

Ils pénétraient à ce moment dans le vestibule ; M. Knightley chercha Jane des yeux, mais celle-ci avait le dos tourné et paraissait très occupée à plier son châle.

Les commentaires prirent fin et M. Knightley fut forcé de s’asseoir, avec tout le monde, autour de la large table moderne dont Emma avait réussi à imposer l’usage, à la place des petites tables sur lesquelles depuis quarante ans M. Woodhouse prenait ses repas. Après le thé personne ne parut pressé de partir.

— Mademoiselle Woodhouse dit Frank Churchill, est-ce que vos neveux ont emporté leur alphabet de lettres mobiles ? Auparavant la boîte se trouvait sur ce guéridon. Qu’est-elle devenue ? Il fait sombre ce soir et il convient d’avoir recours aux passe-temps d’hiver. Nous nous sommes une fois beaucoup divertis avec ces lettres ; je voudrais encore exercer votre sagacité.

Emma fut enchantée du souvenir qu’il avait gardé de ce jeu et elle alla chercher la boîte ; la table, fut bientôt couverte de lettres ; Emma et Frank formèrent rapidement des mots. La tranquillité de ce divertissement le rendait particulièrement agréable à M. Woodhouse : il suivait d’un œil bienveillant les essais des jeunes gens, tout en se lamentant sur le départ des pauvres petits garçons.

Frank Churchill était assis à côté d’Emma et Jane en face d’eux. M. Knightley se trouvait placé de façon à pouvoir les observer tous. Frank Churchill présenta une première anagramme à Mlle Fairfax : celle-ci jeta un coup d’œil autour de la table et s’appliqua à deviner le mot ; au bout d’un instant elle repoussa les lettres avec un sourire forcé, mais sans y prendre garde, elle ne détruisit pas la combinaison et le mot demeura intact. Henriette s’en saisit et se mit au travail ; elle se tourna vers son voisin, M. Knightley, pour être aidée. Le mot était « gaffe » et quand Henriette le proclama