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Page:Austen - Emma.djvu/311

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— Merci, chère Mademoiselle Woodhouse, tous les avantages sont en effet réunis : excepté chez les Sukling et chez les Bragge, il n’y a pas une autre maison, parmi toutes les connaissances de Mme Elton, où les conditions de vie pour la gouvernante soient aussi élégantes et larges. Mme Smallbridge est une femme délicieuse, et, d’autre part, il est impossible de trouver des enfants plus gentils. Jane sera traitée avec la plus grande bonté ! Elle aura une existence des plus agréables, et si je vous disais le montant de ses appointements, même vous, Mademoiselle Woodhouse, qui êtes habituée aux grosses sommes, vous seriez étonnée !

— Ah ! Madame, si je juge les autres enfants d’après moi-même, le traitement le plus élevé me paraîtra encore modeste !

— Vous êtes si noble dans vos idées !

— Et à quelle époque Mlle Fairfax doit-elle vous quitter ?

— Bientôt, et c’est là le pire : dans une quinzaine ! Mme Smalbridge est extrêmement pressée. Ma pauvre mère a très mal supporté la nouvelle. J’essaye de la distraire et je dis : « Allons, maman, n’y pensons plus ! »

— Le colonel et Mme Campbell ne seront-ils pas fâchés que Jane ait pris un engagement avant leur retour ?

— Oui, Jane est sûre qu’ils seront mécontents, mais elle ne se croit pas le droit de laisser passer une pareille occasion. J’ai été extrêmement surprise quand Jane m’a fait part de sa décision ; Mme Elton, peu d’instants après, est venue me féliciter. C’était avant le thé : nous allions nous asseoir pour jouer aux cartes et pourtant non… Ah ! je me rappelle : c’était après le thé ; il y a bien eu un incident au début de la soirée, mais il ne s’agissait pas de Jane ; M. Elton fut appelé hors du salon ; le fils du vieux John Abdy désirait lui parler. Pauvre vieux John ! J’ai beaucoup d’amitié pour lui ; et maintenant, pauvre homme, il est au lit et souffrant de la goutte dans les articulations. Il faut que j’aille le voir aujourd’hui et Jane ira également si elle sort. Le fils du pauvre John était venu pour présenter une demande de secours à M. Elton ; il se tire très bien d’affaire lui-même, car il travaille comme palefrenier à