Page:Austen - Emma.djvu/356

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Cela n’était pas possible : Mme Weston devait venir dans la soirée et Emma comptait lui rendre la lettre.

— Je préférerais vous parler, reprit-il, mais comme c’est une question de justice, je me résigne.

Il commença, s’arrêtant néanmoins dès les premières lignes, pour observer :

— Si j’avais eu l’occasion, à un moment donné, d’examiner un autographe de ce Monsieur, ma chère Emma, je ne l’aurais pas lu avec la même indifférence !

Il continua et, au bout d’une minute sourit et dit :

— Hum ! Voici bien des compliments dès le début, mais c’est sa manière : le style d’un homme ne doit pas servir de règle pour juger celui des autres. Ne soyons pas sévères. J’aimerais, ajouta-t-il, vous donner mon opinion au fur et à mesure ; de cette façon, je ne perdrai pas conscience d’être à vos côtés ; néanmoins, si cette glose vous déplaît…

— Au contraire, vous me ferez plaisir.

M. Knightley se remit à lire.

— Il plaisante, poursuivit-il, sur la force de la tentation, il sait qu’il a eu tort et il ne peut apporter aucun argument raisonnable. Mauvais ! il n’aurait pas dû former cet engagement… En se comparant à son père, il ne rend pas justice à ce dernier. Le caractère optimiste de M. Weston s’alliait chez lui à un sens précis du travail et de l’effort… En effet, il n’est pas venu jusqu’à l’arrivée de Mlle Fairfax à Highbury.

— Vous m’aviez bien dit à l’époque qu’il eût dépendu de lui de venir plus tôt. Vous glissez sur le fait avec beaucoup de discrétion, mais je n’oublie pas que, cette fois encore, vous aviez raison.

— Je n’étais pas tout à fait impartial dans mon jugement, Emma, mais je crois que, de toute façon, sa conduite m’aurait toujours inspiré de la méfiance.

Quand il arriva au paragraphe qui concernait Mlle Woodhouse, il le lut à haute voix, accompagnant