Page:Austen - Emma.djvu/45

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— Peut-être a-t-elle été retenue par quelque visite ?

— De peu d’intérêt, en tout cas !

— Qui sait si Harriet partage sur ce point votre manière de voir !

Puis il ajouta en souriant :

— Je ne prétends pas être sûr de l’heure et du jour, mais je puis vous dire que votre jeune amie apprendra bientôt une nouvelle tout à son avantage.

— Vraiment et dans quel genre ?

— J’ai des raisons de croire, reprit-il, qu’Harriet Smith recevra bientôt une demande en mariage — de premier ordre. Il s’agit de Robert Martin. La visite qu’elle a faite cet été à Abbey Mill paraît avoir porté ses fruits : il est extrêmement amoureux d’elle et est décidé à l’épouser.

— C’est bien aimable de sa part, répondit Emma ; mais a-t-il la certitude de trouver chez l’intéressée une ardeur égale ?

— Bien ! Bien ! J’emploierai des termes plus protocolaires : il se propose de demander la main d’Harriet. Il est venu avant hier à l’Abbaye pour me consulter à ce sujet. Il sait que j’ai pour lui et pour sa famille une grande estime et il me considère comme un de ses meilleurs amis ; il venait me demander si je ne trouvais pas que ce fût imprudent de sa part de se marier, si la jeune fille ne me paraissait pas trop jeune ; en un mot, si j’approuvais son choix. Il appréhendait – surtout depuis que vous en avez fait votre amie – qu’Harriet ne fût considérée comme occupant une situation sociale supérieure à la sienne. J’approuvai tout ce qu’il me dit ; je n’ai jamais entendu personne parler plus sensément que Robert Martin ; il est franc, loyal ; son jugement est excellent. C’est un bon fils et un bon frère. Il me fit entendre, en outre, qu’il avait les moyens de se marier ; dans ces conditions, je n’ai eu qu’à donner mon approbation pleine et entière. Je louai aussi la blonde personne et il me quitta fort satisfait. Cette visite a eu lieu avant-hier. Il est naturel de supposer