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d’apprendre que celui-ci ne rentrerait que le lendemain, car le soir même il y avait réunion au club de whist dont M. Elton était un membre assidu. M. Perry lui a fait remarquer combien il serait mesquin de sa part de s’absenter ce jour-là et de les priver de leur plus fort joueur ; il a essayé de le persuader de remettre son départ au lendemain mais sans succès. M. Elton était bien décidé à continuer son voyage et il a dit, d’un air singulier, qu’il partait pour une affaire dont aucune considération ne saurait le détourner ; il a laissé entendre qu’il s’agissait d’une commission des plus délicates et qu’il était porteur d’un dépôt extrêmement précieux. M. Perry n’a pas très bien compris ce dont il s’agissait, mais il est sûr qu’une dame devait être mêlée à cette aventure : il n’a pas caché ses soupçons à M. Elton qui a alors pris un air mystérieux et s’est éloigné à fière allure ». Harriet ajouta que Mlle Nash avait encore longuement parlé de M. Elton et lui avait dit, en la regardant avec insistance :

— Je ne prétends pas deviner ce secret, mais je considère la femme sur laquelle se portera le choix de M. Elton, – un homme d’une supériorité reconnue – comme une créature privilégiée.




IX


M. Knightley espaça plus que de coutume sa visite à Hartfield ; quand Emma le revit sa physionomie sérieuse montrait qu’il n’avait pas pardonné. Emma le regrettait mais ne pouvait pas se repentir. Au contraire ses plans semblaient chaque jour plus réalisables et ses espérances plus justifiées. Le portrait élégamment encadré, était arrivé peu de jours après le retour de M. Elton ; il fut suspendu au dessus de la cheminée du petit salon ; M. Elton le contempla longuement et exprima comme il convenait son admiration. Quant à Harriet il était visible qu’elle s’attachait à M. Elton, autant du moins que le lui permettait sa jeunesse et son caractère ; au bout de peu de temps M. Martin n’occupait plus le souvenir de la jeune