Page:Austen - Emma.djvu/92

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grande bonne volonté qu’il ne serait pas juste de ne pas en tenir compte.

— Oui, répondit M. John Knightley après un moment d’hésitation, il semble être particulièrement bien disposé à votre égard.

— À mon égard, reprit-elle en souriant, vous imaginez-vous que je sois l’objet des préoccupations de M. Elton ?

— J’ai eu en effet cette impression, je l’avoue ; et si vous n’y avez jamais songé jusqu’à présent vous ferez bien d’y réfléchir.

— M. Elton amoureux de moi ! Quelle idée !

— Je ne prétends pas affirmer qu’il en soit ainsi, mais il sera sage de vous en assurer et de régler votre conduite en conséquence. Je trouve que vos manières vis-à-vis de lui sont faites pour l’encourager. Je vous parle en ami, Emma.

— Je vous remercie ; mais je vous certifie que vous vous trompez complètement. M. Elton et moi sommes de très bons amis et rien de plus.

Emma ne se sentait guère flattée que son beau-frère la supposât aveugle à ce point et elle se fut bien passé de ses conseils, mais ne voulant pas l’éclairer sur la véritable situation, elle n’insista pas et ils marchèrent en silence jusqu’à Highbury.

M. Woodhouse était si bien habitué à la perspective de dîner en ville ce soir là, qu’en dépit de la température, il n’eut pas l’idée de s’y dérober ; il se mit en route très exactement avec sa fille aînée dans sa propre voiture ; il semblait moins préoccupé du temps qu’aucun des autres et ne songeait qu’à s’émerveiller de son étonnante équipée et escomptait le plaisir qu’il allait procurer à Randalls ; il était du reste si bien couvert qu’il ne sentait pas le froid. Quand la seconde voiture, où avaient pris place Emma et M. Jean Knightley, se rangea devant le perron, quelques flocons de neige commençaient