Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/149

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« Savez-vous bien, Alice, dit Maria, qu’il n’est guère galant pour vous, quoiqu’il soit si attentif pour moi ? Henriette lui a demandé comment il vous avait trouvée : Si changée, a-t-il répondu, que je l’ai à peine reconnue. » Maria n’avait point de tact ni de sensibilité ; elle disait ce qui lui venait dans l’esprit, et ne se doutait pas qu’elle blessait ou le sentiment ou l’amour-propre de ceux à qui elle parlait.

Changée à n’être pas reconnue de celui dont elle fut tant aimée ! Alice sentit en silence cette profonde mortification ; sans doute c’était vrai ; elle se rendait justice, et ne pouvait en dire autant de Frederich, qui était beaucoup mieux que lors de leur rupture ; elle en avait été frappée : les années, qui avaient emporté sa fraîcheur et sa jeunesse, avaient donné à Frederich plus d’assurance, quelque chose de plus décidé, de plus mâle, et n’avaient altéré aucun de ses avantages personnels ; c’était ce même regard animé, ce même teint de santé, ces mêmes dents blanches comme l’ivoire. Elle avait revu Frederich Wentworth, et lui n’avait plus retrouvé Alice Elliot ; mais malheureusement c’était l’inverse pour les sentimens, et cela devait être ainsi.