Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/20

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— Et il n’aurait que ce qu’il mérite, dit en riant l’amiral ; plaisante manière de faire sa cour que de briser la tête de sa belle ! Passe pour la tourner par ses doux propos ; mais la jeter sur le pavé est aussi trop rude. Si elle en revient, qu’elle soit folle, laide ou imbécille, c’est égal, il faut qu’il l’épouse, et qu’il la soigne le reste de sa vie ; et si elle meurt, il ne lui reste plus qu’à se pendre ou se consoler. Qu’en pensez-vous, miss Elliot ? N’êtes-vous pas de mon avis ? »

— Elle ne put prendre sur elle de répondre ; et sans doute, malgré tous ses efforts pour se surmonter, un nuage de tristesse s’était répandu sur son aimable visage. Les deux dames causaient ensemble, et ne s’en aperçurent pas ; mais l’amiral, après un instant de rêverie, s’approcha d’elle, et lui dit de ce ton de bonhomie et de simplicité qui le caractérisait : « Je comprends très-bien, chère miss Elliot, que tout ici vous attriste ; revenir dans votre demeure, et, au lieu de vos amis naturels, n’y trouver que des étrangers ! Je n’y avais pas pensé d’abord ; mais je comprends bien que c’est très-triste. Ne vous gênez pas, chère miss Elliot, vous êtes aussi avec des amis ; agissez sans cérémonie ; levez-vous, allez par-