Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/250

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reux ; il semble aux parens que huit ou dix ans d’absence, d’inquiétude, d’attente, ne sont rien ; ils oublient trop souvent qu’ils ont été jeunes ; pour moi, je déclare que, si j’avais eu des enfans, j’aurais beaucoup mieux aimé les établir jeunes, même avec un petit revenu, travaillant de concert à l’augmenter, que de les voir user leur jeunesse en projets, en espérances déçues, et épouser quelqu’un de riche qui ne les eût pas aimés. »

Alice n’entendait plus ce qu’on disait ; un frisson nerveux parcourait ses veines ; sa tête, son cœur, étaient dans une confusion extrême ; sa situation venait d’être peinte avec une vérité frappante : « Ah ! pensait-elle, si mon père et si lady Russel avaient eu ces opinions, depuis combien d’années je serais heureuse ! et à présent je ne le serai jamais. » Ne voulant pas s’appesantir sur cette idée, elle se leva et fut joindre le capitaine Harville, qui lui fit signe de venir près de lui ; il la regardait avec un sourire et un petit mouvement de tête qui semblaient indiquer qu’il voulait lui dire quelque chose d’intéressant pour elle : sa manière si naturelle, si amicale, renforçait cette invitation. Elle alla donc près de lui dans l’embrasure d’une fenêtre, à l’autre bout de la