Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/259

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culiers ne sont rien pour la généralité, il y a toute apparence que les traits qui nous ont le plus frappés sont précisément ceux qu’on ne peut répéter sans trahir une confidence, ou sans dire ce qu’on doit taire : ainsi, mon cher capitaine, nous resterons chacun dans notre opinion, puisque nous ne pouvons nous convaincre mutuellement.

— Ah ! s’écria-t-il avec l’expression de la plus vive sensibilité, je ne désespérerais pas de vous ramener à la mienne, si je pouvais vous faire comprendre ce qu’un marin souffre quand le signal du départ est donné, qu’il jette un dernier regard sur sa femme et sur ses enfans ; quand, debout sur le pont du bâtiment qui va l’éloigner de tout ce qu’il aime, il suit de l’œil le bateau dans lequel il les renvoie, qu’il le voit enfin disparaître à sa vue, et qu’il se dit avec le plus affreux déchirement de cœur : Dieu sait si nous nous reverrons jamais ! Si je pouvais vous peindre l’excès de son bonheur quand il est près de les revoir ! Il dévore alors les minutes qui les séparent encore. Obligé quelquefois d’aborder à un autre port que celui où il les a laissés, il calcule quel jour il est possible qu’ils viennent le rejoindre ; et lorsqu’il les voit arriver, comme si le ciel leur