Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/275

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la nullité de ces jeunes filles, comparées chaque jour à votre douceur, à votre modestie, à votre parfaite raison, à vos attentions continuelles pour les autres, à votre oubli de vous-même, à l’égalité de votre humeur ; tout, jusqu’à cette teinte de mélancolie que je prenais pour de l’indifférence, m’attachait à vous chaque jour davantage. Je n’osais vous le dire, je craignais un second refus ; alors ma colère, le souvenir de la faiblesse avec laquelle vous m’aviez abandonné et laissé rejeter avec hauteur par votre famille sans élever la voix en ma faveur, se réveillaient avec tant de force, que je me croyais près de vous haïr : plus je sentais combien j’aurais été heureux avec une femme comme vous, plus j’étais irrité. C’était alors que, pour m’étourdir et triompher d’un sentiment que vous aviez dédaigné, je faisais tous mes efforts pour m’attacher à Louisa ; je riais, je folâtrais avec elle, mais jamais mon cœur n’a été touché. Un instant de réflexion me montrait qu’elle ne pouvait supporter la moindre comparaison avec la femme que j’avais perdue sans retour sans doute, puisque, par mon orgueil et mon ressentiment, j’avais manqué l’occasion de regagner son cœur, et que j’avais peut-être blessé celui d’une fille que je