Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/271

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sa nièce, et le demi-espoir qu’elle-même avait formé de voir arriver une lettre de lui s’était évanoui. Depuis son retour, Elizabeth n’avait rien reçu qui parût venir de Pemberley. En vérité, on ne pouvait faire aucune conjecture d’après l’humeur d’Elizabeth, son abattement s’expliquant assez par les tristesses de la situation présente. Cependant, celle-ci voyait assez clair en elle-même pour sentir que si elle n’avait pas connu Darcy, elle aurait supporté la crainte du déshonneur de Lydia avec un peu moins d’amertume et qu’une nuit d’insomnie sur deux lui aurait été épargnée.

Lorsque Mr. Bennet arriva chez lui, il paraissait avoir repris son flegme et sa philosophie habituels. Aussi peu communicatif que de coutume, il ne fit aucune allusion à l’événement qui avait motivé son départ et ses filles n’eurent pas le courage de lui en parler elles-mêmes.

C’est seulement l’après-midi lorsqu’il les rejoignit pour le thé qu’Elizabeth osa aborder le sujet ; mais lorsqu’elle lui eut exprimé brièvement son regret de tout ce qu’il avait dû supporter, il répliqua :

— Ne parlez pas de cela. Comme je suis responsable de ce qui s’est passé, il est bien juste que j’en souffre.

— Ne soyez pas trop sévère pour vous-même, protesta Elizabeth.

— C’est charitable à vous de me prémunir contre un tel danger. Non, Lizzy, laissez-moi sentir au moins une fois dans mon existence combien j’ai été répréhensible. Ne craignez point de me voir accablé par ce sentiment qui passera toujours assez tôt.

— Croyez-vous qu’ils soient à Londres ?

— Je le crois. Où pourraient-ils être mieux cachés ?

— Et Lydia souhaitait beaucoup aller à Londres, remarqua Kitty.

— Elle peut être satisfaite alors, dit son père froidement, car elle y demeurera sans doute quelque temps.

Après un court silence, il reprit :