Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/310

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confus. Pendant tout le temps du dîner, il témoigna à sa sœur une admiration qui, pour être plus réservée qu’auparavant, n’en prouva pas moins à Elizabeth que s’il avait toute la liberté d’agir, son bonheur et celui de Jane seraient bientôt assurés.

Mr. Darcy, séparé d’elle par toute la longueur de la table, était assis à côté de la maîtresse de maison. Elizabeth savait que ce voisinage ne pouvait leur causer aucun plaisir, et qu’il n’était pas fait pour les mettre en valeur ni l’un ni l’autre. Trop éloignée pour suivre leur conversation, elle remarquait qu’ils se parlaient rarement et toujours avec une froide politesse. La mauvaise grâce de sa mère lui rendait plus pénible le sentiment de tout ce que sa famille devait à Mr. Darcy, et, à certains moments, elle eût tout donné pour pouvoir lui dire qu’une personne au moins de cette famille savait tout, et lui était profondément reconnaissante. Elle espérait que la soirée leur fournirait l’occasion de se rapprocher et d’avoir une conversation moins banale que les quelques propos cérémonieux qu’ils avaient échangés à son entrée. Dans cette attente, le moment qu’elle passa au salon avant le retour des messieurs lui parut interminable. Il lui semblait que tout le plaisir de la soirée dépendait de l’instant qui allait suivre : « S’il ne vient pas alors me rejoindre, pensa-t-elle, j’abandonnerai toute espérance. »

Les messieurs revinrent au salon, et Mr. Darcy eut l’air, un instant, de vouloir répondre aux vœux d’Elizabeth. Mais, hélas, autour de la table où elle servait le café avec Jane, les dames s’étaient rassemblées en un groupe si compact qu’il n’y avait pas moyen de glisser une chaise parmi elles.

Mr. Darcy se dirigea vers une autre partie du salon où Elizabeth le suivit du regard, enviant tous ceux à qui il adressait la parole. Un peu d’espoir lui revint en le voyant rapporter lui-même sa tasse ; elle saisit cette occasion pour lui demander :

— Votre sœur est-elle encore à Pemberley ?