Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/336

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unique enfant, — et j’ai été gâté par mes parents qui, bien que pleins de bonté (mon père en particulier était la bienveillance même), ont laissé croître et même encouragé la tendance que j’avais à me montrer personnel et hautain, à enfermer mes sympathies dans le cadre familial et à faire fi du reste du monde. Tel ai-je été depuis mon enfance jusqu’à l’âge de vingt-huit ans. Tel serais-je encore si je ne vous avais pas rencontrée, aimable et charmante Elizabeth. Que ne vous dois-je pas ? Vous m’avez donné une leçon, dure sans doute, mais précieuse. Par vous j’ai été justement humilié. Je venais à vous, n’éprouvant aucun doute au sujet de l’accueil qui m’attendait. Vous m’avez montré combien mes prétentions étaient insuffisantes pour plaire à une femme qui avait le droit d’être difficile.

— Comme vous avez dû me détester après ce soir-là !

— Vous détester ! J’ai été en colère, peut-être, pour commencer, mais ma colère a pris bientôt une meilleure direction.

— J’ose à peine vous demander ce que vous avez pensé de moi lorsque nous nous sommes rencontrés à Pemberley. Ma présence en ce lieu ne vous a-t-elle pas paru déplacée ?

— Non, en vérité. Je n’ai ressenti que de la surprise.

— Votre surprise n’a sûrement pas été plus grande que la mienne en me voyant traitée par vous avec tant d’égards. Ma conscience me disait que je ne méritais pas d’être l’objet d’une politesse exagérée, et j’avoue que je ne comptais pas recevoir plus qu’il ne m’était dû.

— Mon but, répliqua Darcy, était de vous montrer, par toute la courtoisie dont j’étais capable, que je n’avais pas l’âme assez basse pour vous garder rancune du passé. J’espérais obtenir votre pardon et adoucir la mauvaise opinion que vous aviez de moi, en vous faisant voir que vos reproches avaient été pris en