Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/79

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rempli de dédain pour ses semblables, mais je ne le croyais pas capable de s’abaisser à une telle vengeance, — de montrer tant d’injustice et d’inhumanité.

Elle reprit après quelques minutes de réflexion :

— Je me souviens cependant qu’un jour, à Netherfield, il s’est vanté d’être implacable dans ses ressentiments et de ne jamais pardonner. Quel triste caractère !

— Je n’ose m’aventurer sur ce sujet, répliqua Wickham. Il me serait trop difficile d’être juste à son égard.

De nouveau, Elizabeth resta un moment silencieuse et pensive ; puis elle s’exclama :

— Traiter ainsi le filleul, l’ami, le favori de son père !… Elle aurait pu ajouter « un jeune homme aussi sympathique » ! Elle se contenta de dire : — et, de plus, un ami d’enfance ! Ne m’avez-vous pas dit que vous aviez été élevés ensemble ?

— Nous sommes nés dans la même paroisse, dans l’enceinte du même parc. Nous avons passé ensemble la plus grande partie de notre jeunesse, partageant les mêmes jeux, entourés des mêmes soins paternels. Mon père, à ses débuts, avait exercé la profession où votre oncle Philips semble si bien réussir, mais il l’abandonna pour rendre service au défunt Mr. Darcy et consacrer tout son temps à diriger le domaine de Pemberley. Mr. Darcy avait pour lui une haute estime et le traitait en confident et en ami. Il a souvent reconnu tous les avantages que lui avait valus l’active gestion de mon père. Peu de temps avant sa mort, il lui fit la promesse de se charger de mon avenir et je suis convaincu que ce fut autant pour acquitter une dette de reconnaissance envers mon père que par affection pour moi.

— Que tout cela est extraordinaire ! s’écria Elizabeth. Je m’étonne que la fierté de Mr. Darcy ne l’ait pas poussé à se montrer plus juste envers vous, que l’or-