Page:Austen - Orgueil et Préjugé.djvu/84

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d’avoir travaillé à détacher Mr. Bingley de votre sœur ; l’autre, d’avoir manqué aux devoirs de l’honneur et de l’humanité envers Mr. Wickham. Cette dernière accusation est tout autrement grave. Séparer deux jeunes gens dont l’affection ne peut avoir duré que quelques semaines, est une bagatelle auprès de l’injustice et de la cruauté qu’il y auroit à perdre le camarade de mon enfance, le Çavori de mon père, celui qui auroit été élevé à tout espérer de moi.

Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour voir que mon ami Bingley avoit une préférence décidée pour miss Jane votre sœur. Comme je l’ai vu plusieurs fois amoureux, je n’en avois pas pris d’inquiétude, mais à ce même bal où j’eus l’honneur de danser avec vous, j’appris de Sir W. Lucas, qu’on parloit déjà du mariage de Bingley comme d’une affaire arrêtée. J’observai alors mon ami avec attention. Il me parut plus fortement occupé de miss Bennet que je ne l’eusse encore vu d’aucune femme. Je m’attachai à observer aussi miss Jane. Je vis qu’elle recevoit la cour de Bingley avec plaisir ; mais qu’il n’y avoit rien qui annonçât en elle un goût décidé. Son calme et sa gaîté sereine m’indiquoient un naturel heureux, mais un cœur fort tranquille. En me