Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/102

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paraît si vivement vous intéresser ; mais, à dire vrai, d’après sa naissance, pourrait-on s’attendre à rien de mieux ?

— Ses défauts et sa naissance, selon vous, ne semblent qu’une même chose, repartit avec humeur Élisabeth. Vous ne l’avez encore accusé que d’être le fils de l’intendant de M. Darcy, et je puis vous assurer qu’il me l’avait lui-même appris.

— Je ne l’aurais pas cru, répliqua miss Bingley d’un ton moqueur ; mais excusez-moi, mon intention était pure. »

« Insolente créature ! se dit Élisabeth à elle-même, vous vous trompez si, par d’aussi sottes raisons, vous croyez m’influencer ; je ne vois dans vos discours qu’une ignorance feinte de votre part ; dans ceux de M. Darcy beaucoup de méchanceté. »

Elle alla trouver alors sa sœur aînée qui avait entrepris de questionner Bingley à ce même sujet. Hélen la reçut en souriant ; tous ses traits exprimaient le bonheur, et disaient assez combien elle était satisfaite de la soirée ; un seul regard suffit pour faire connaître ses sentiments à Élisabeth, qui aussitôt oubliant sa sollicitude pour Wickham et son propre ressentiment, ne vit plus que les espérances de sa sœur chérie.

« Je veux savoir, dit-elle d’un air tout aussi riant que celui d’Hélen, ce que vous avez appris touchant M. Wickham, mais un sujet plus intéressant vous a peut être fait oublier votre promesse ; s’il en est ainsi, je vous pardonne de grand cœur.

— Non, répondit Hélen, j’ai tenu ma parole, mais je n’ai rien de satisfaisant à vous dire ; M. Bingley ne sait qu’une partie de cette histoire, et ignore les circonstances qui ont principalement offensé M. Darcy : toutefois il répond de la droiture et de la sincérité de son ami ; il est convaincu que M. Darcy a fait pour M. Wickham beaucoup plus qu’il ne mérite, et je suis fâchée d’avouer que d’après ce qu’il vient de dire, il est à croire que M. Wickham, par une conduite imprudente, s’est rendu indigne de l’estime de M. Darcy.