Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/137

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Élisabeth sentait bien que tout le charme de leur liaison était pour jamais détruit. La peine qu’elle éprouvait, en voyant les sentiments de Charlotte si opposés à ce qu’elle les croyait, lui fit rechercher sa sœur avec plus de tendresse que jamais ; par elle du moins, elle ne pouvait craindre d’être trompée, et de plus, elle devenait de jour en jour plus inquiète sur son sort, car Bingley était absent depuis une semaine, et l’on n’entendait point parler de son retour.

Hélen avait répondu sans délai à la lettre de Mlle Bingley, et en attendait impatiemment une seconde, la lettre de remerciements promise par M. Colins arriva le mardi : elle était adressée à M. Bennet, et l’auteur y avait épuisé toutes les expressions de reconnaissance qu’aurait pu inspirer un séjour de dix ans dans leur famille ; après avoir satisfait sa conscience sur ce point, il leur parlait avec transport du bonheur qu’il avait eu de se faire aimer de leur aimable voisine Mlle Lucas : « Le désir de jouir de sa douce société, continuait-il, est le seul motif qui m’ait décidé à profiter de l’agréable invitation de Mme Bennet ; et je me propose d’être à Longbourn dans quinze jours. Lady Catherine approuve beaucoup mon mariage, elle veut même qu’il ait lieu promptement, et je ne doute point qu’un motif si puissant n’engage mon aimable Charlotte à fixer au plus tôt le jour qui me doit rendre le plus heureux des mortels. »

Le retour de M. Colins ne fut plus pour Mme Bennet un sujet de joie ; au contraire, elle était comme son mari fort disposée à s’en plaindre : pourquoi venir à Longbourn, plutôt qu’à Lucas-Lodge ? Cela était fort gênant et fort désagréable ; elle ne pouvait souffrir de recevoir des étrangers lorsque sa santé était dans un état aussi languissant, et des amants surtout ! Existait-il dans le monde des êtres plus ennuyeux ? Tels furent les doux murmures de Mme Bennet, et peut-être dureraient-ils encore, si la longue absence de M. Bingley ne lui eût donné pour se plaindre un motif plus intéressant.

Ni Hélen ni Élisabeth n’étaient fort tranquilles à ce sujet ; les jours et les semaines se passèrent sans entendre