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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/152

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que cela n’en vienne pas là, j’en sens tout le danger. Hé ! ce vilain M. Darcy ! la bonne opinion que mon père a de moi m’est d’un prix inestimable, et pour rien au monde je ne voudrais la perdre. M. Wickham cependant plaît fort à mon père. En un mot, ma chère tante, je serais désolée de faire de la peine à aucun de vous, mais puisqu’on voit tous les jours, que lorsque deux jeunes gens s’aiment, il est rare que les considérations de fortune les puissent engager à ne point s’unir, comment vous promettre, si on me tente, d’être plus sage qu’une autre ? Et même alors le moyen de savoir qu’il y ait de la sagesse à résister ! Tout ce que je puis donc vous promettre, c’est de ne me point presser ; je ne me laisserai point facilement persuader, qu’il a pour moi des soins… Lorsque je le rencontrerai dans le monde, je ne rechercherai plus sa conversation, enfin soyez assurée que je ferai de mon mieux.

— Peut-être aussi serait-il fort sage, de ne point l’encourager à vous voir aussi souvent, du moins il ne faut pas rappeler à votre mère de l’inviter.

— Comme je le fis l’autre jour, dit Élisabeth en souriant ; il est vrai qu’il vaudrait mieux ne point prendre tant de précautions, mais ne vous imaginez pas qu’il vienne toujours aussi souvent ; ma mère, comme vous le savez, ne croirait pas bien recevoir ses amis, si elle n’avait pour eux nombreuse société… Mais, tout de bon, je vous promets (et vous y pouvez compter) d’en user avec lui de la manière que je croirai la plus prudente ; êtes-vous satisfaite ? »

Sa tante assura qu’elle l’était, et Élisabeth l’ayant sincèrement remerciée de ses sages conseils, elles se séparèrent : rare exemple d’un avis donné sur une affaire si délicate, sans avoir causé de ressentiment.

M. Colins revint dans Herfordshire peu de temps après le départ des Gardener avec Hélen, mais comme il alla loger chez lady Lucas, son arrivée ne causa que peu d’émotion à Mme Bennet… Le jour de la cérémonie approchait et Mme Bennet était enfin assez résignée pour regarder ce mariage comme une chose inévitable, et même pour dire souvent d’un air chagrin qu’elle leur souhaitait beaucoup